Archives Mensuelles: avril 2012

Dharamsala, le Tibet en exil

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Tissus de prières au vent, fascinantes maisons prêtes à basculer dans le vide, temples bouddhistes et photos du Dalai Lama disséminées un peu partout. Le décor est planté. 1600 mètres d’altitude, Dharamsala, le Tibet recréé entre deux sommets enneigés.

Temple de Dharamsala

Rappel historique

Il fut un jour où le Tibet était un pays libre et indépendant qui s’étendait sur un territoire équivalant aux deux-tiers de l’Inde. Il disposait de ses propres institutions politiques et religieuses, de sa propre monnaie, de sa propre armée… Bref, des différents attributs d’un Etat.

En 1949, la nouvelle République de Chine envahit le Tibet. L’armée tibétaine n’était en réalité pas très puissante et plia face à celle de son voisin. Les défaites successives aboutirent à la signature d’un traité qui annexa le Tibet à la Chine. La résistance armée de la population continua pendant plusieurs années, notamment sous la forme de guérillas, avant de se transformer en résistance pacifique.

Pendant que la répression de la Chine s’accentuait, celle-ci se lança également dans une campagne de destruction de la culture tibétaine. Sous couvert de la révolution culturelle chinoise (1966-76) le gouvernement commença à détruire le patrimoine tibétain : plus de 6000 temples et monastères furent démolis, d’importants transferts de population chinoise furent effectués vers la région du Tibet et les ressources naturelles furent exploitées à outrance (déforestation, tests nucléaires, etc.).

Bouddha du Namgyalma Temple
(temple construit en mémoire des Tibétains qui ont combattu pour un Tibet libre)

Recréer le Tibet

En 1959 la sécurité du Dalai Lama semble trop menacée pour qu’il puisse rester à Lhassa, (ancienne) capitale du Tibet. Il choisit donc l’exil vers l’Inde. Après avoir traversé une partie de l’Himalaya, il s’installe à Dharamsala, plus précisément dans la ville de Mac Leod Ganj.

A l’image du Dalai Lama, de nombreux Tibétains ont également trouvé refuge dans les pays frontaliers (Inde, Népal, Bhoutan…). Plusieurs villes sont donc devenues des espaces d’expression et de continuité de la culture tibétaine. Dharamsala, surnommée « petit Lhassa » est très certainement la plus emblématique de cette perpétuation culturelle.

A Dharamsala communautés tibétaine et indienne cohabitent
Ici, stand de "momos" (met typique tibétain) devant le Namgyalma Temple

Outre la construction de temples et de monastères, l’accent a été mis sur l’éducation avec la création d’écoles tibétaines afin que les enfants d’exilés continuent à apprendre leur langue, leur histoire et leurs coutumes.

Alphabet tibétain peint dans la cour d'une école primaire de Dharamsala
Crédit photo : Martine Salmon

L’art, quant à lui, se perpétue à travers des structures telles que le TIPA (Tibetan Institute of Performing Arts) qui forme des étudiants aux arts scéniques tibétains, tel que l’opéra, le chant et la danse. Chaque année, pendant une semaine des représentations d’opéra sont organisées dans l’enceinte du TIPA et j’ai eu la chance de me trouver à Dharamsala précisément à ce moment là. En dépit de la barrière linguistique qui ne permettait pas réellement de comprendre l’histoire, le spectacle était juste fascinant à regarder.

NB : Les informations historiques proviennent en grande partie du « Tibet Museum » de Dharamsala

Silence radio dans la plus grande démocratie du monde ?

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Pour approfondir le sujet de la liberté sur les ondes radiophoniques indiennes, j’ai rédigé un article pour le Bondy Blog. Vous pouvez le lire à cette adresse ou ci-dessous :

Un professeur de journalisme radio explique à ses étudiants qu’il leur est interdit de traiter de l’actualité ou de tout sujet politique. La règle s’applique également aux invités et aux auditeurs. Mais que les élèves ne s’inquiètent pas puisqu’il existe un outil bien pratique : un bouton en studio qui permet, même en live, de remplacer les mots interdits par un silence ou un jingle. Ce cours ne se déroule pas sous une dictature. Il se passe dans un pays connu pour être la plus grande démocratie du monde, l’Inde.

Pas de news, pas de politique telle est la règle qui s’applique aux radios privées indiennes. Pourtant les autres médias (télévision, presse écrite et journaux en ligne) sont régis par des lois bien moins contraignantes.  Moina Khan, professeur de journalisme à l’université « Jamia Millia Islamia » de New Delhi souligne ce décalage : « La politique de régulation du médium radiophonique est particulièrement stricte alors même que les autres médias indiens fonctionnent librement ».

Un seul réseau de stations possède le droit de diffuser l’actualité sur les ondes indiennes. Il s’agit de « All India Radio » (AIR) qui est sous le contrôle direct du Ministère de l’Information et de la Diffusion. Les autres radios, privées et communautaires, ne sont donc pas autorisées à émettre leurs propres bulletins de news, à traiter de sujets politiques ou à citer le nom de politiciens. Une dérogation à la règle pouvant entrainer une suspension du droit d’émettre pour la radio concernée.

La radio est assurément un media accessible à tous. Dans un pays où  le taux d’analphabétisme est de 37% (Unicef 2010), une partie importante de la population ne peut donc pas lire la presse écrite. De plus, le coût d’un poste de radio (environ 3 euros à Delhi) est largement inférieur à celui d’un poste de télévision. Dans de telles conditions, le monopole de All India Radio découle-t-il d’une volonté de surveiller l’information diffusée auprès des foyers modestes ?

Une telle théorie est en tout cas avancée par certains professionnels du secteur. Shubhranshu Choudhary, ancien producteur à la BBC, déclarait ainsi en mai 2011 au Global Post[1] : « Nous nous appelons nous-mêmes la plus grande démocratie du monde [Mais l’interdiction de l’actualité à la radio] en dit beaucoup sur notre pays. C’est une démocratie pour les riches ».

Le monopole de la radio publique en matière de news doit également se comprendre à travers le prisme historique. Depuis 1936 All India Radio est la propriété du gouvernement, d’abord britannique, puis indien après 1947. Dans le contexte instable de la postindépendance, cette radio contribua à l’établissement d’une conscience politique nationale unifiée.

Des années plus tard, le pouvoir indien lance la première phase de libéralisation de la radio. Comme l’explique Moina Khan : « Avant 1999 le gouvernement n’autorisait aucun organisme privé à investir dans des stations de radio ». C’est donc après cette date que les premières radios privées et communautaires voient finalement le jour sur les ondes FM du pays.

Toutefois les dirigeants indiens n’autorisent pas ces stations à diffuser des bulletins de news, à traiter de l’actualité ou des affaires politiques. La radio publique maintient ainsi son monopole et le gouvernement conserve son contrôle sur l’information.

Il faut attendre la troisième phase de libéralisation qui débute en juillet 2011 pour observer un changement des règles concernant l’actualité. Les radios privées peuvent maintenant parler des news sportives, de la météo, du trafic routier et des événements culturels. Elles sont également autorisées à diffuser des bulletins d’informations. Mais, uniquement les bulletins édités par All India Radio, sans aucune modification possible. En d’autres termes les stations privées sont juste autorisées à relayer le contenu de la radio publique ou à traiter du divertissement.

Stations privées et investisseurs continuent à réclamer la libre diffusion de l’actualité. Nombreux sont ceux qui espéraient un tel progrès de la troisième phase de libéralisation. Finalement l’évolution a été limitée, mais il est permis d’envisager qu’une quatrième phase permettra de libérer les voix plurielles de l’actualité sur les ondes indiennes.

 

Maïna Fauliot


[1] « We call ourselves the world’s biggest democracy, » said Shubhranshu Choudhary, formerly a producer with the BBC. « [But the ban on news radio] tells a lot about our country. It’s a democracy for the rich. » 6 mai 2011
http://www.globalpost.com/dispatch/news/regions/asia-pacific/india/110420/india-radio-news-freedom-of-speech